Benoist connaît Martine depuis longtemps. Ils ont le même âge et sont du même village. Maupassant raconte la naissance de leur amour. Cet extrait se situe au début de la nouvelle.

  Le souvenir de la Martine s'agitait dans l'esprit de Benoist comme une mouche emprisonnée. Puis un désir le prit de la revoir, et il passa plusieurs fois devant la Martinière1. Il l'aperçut enfin éten­dant son linge sur une corde, entre deux pommiers. Il faisait chaud ; elle n'avait gardé qu'une courte jupe, et sa seule che­mise sur sa peau dessinait bien ses reins cambrés quand elle levait les bras pour accrocher ses serviettes. Il resta blotti contre le fossé pendant plus d'une heure, même après qu'elle fut partie. Il s'en revint plus hanté2  encore qu'auparavant.

    Pendant un mois, il eut l'esprit plein d'elle. Il tressaillait quand on la nommait devant lui. Il ne mangeait plus, il avait chaque nuit des sueurs qui l'empêchaient de dormir. Le dimanche, à la messe, il ne la quit­tait pas des yeux. Elle s'en aperçut et lui fit des sourires, flattée d'être appréciée ainsi.

     Or, un soir, tout à coup, il la rencon­tra dans un chemin. Elle s'arrêta en le voyant venir. Alors il marcha droit sur elle, suffoqué3  par la peur et le saisissement, mais aussi résolu4 à lui par­ler. Il commença en bredouillant : « Voyez-vous, la Martine, ça ne peut plus durer comme ça. » . Elle répondit, comme en se moquant de lui : « Qu'est-ce qui ne peut plus durer, Benoist ? » Il reprit :« Que je pense à vous tant qu'il y a d'heures au jour. » Elle posa ses poings sur ses hanches : « C'est pas moi qui vous force. »   Il balbutia : « Oui, c'est vous ; je n'ai plus ni sommeil, ni repos, ni faim, ni rien. » Elle prononça très bas : « Qu'est-ce qu'il faut, alors, pour vous guérir de ça ? » Il resta saisi, les bras ballants, les yeux ronds, la bouche ouverte. Elle lui tapa un grand coup de main dans l'estomac et s'enfuit en courant.

    À partir de ce jour, ils se rencontrèrent le long des fossés, dans les chemins creux, ou bien, au jour tombant au bord d'un champ, alors qu'il  rentrait avec ses chevaux et qu'elle ramenait ses vaches à l'étable. Il se sentait porté, jeté vers elle par un grand élan de son coeur et de son corps. Il aurait voulu l'étreindre, l'étrangler, la manger, la faire entrer en lui. Et il avait des frémissements d'impuissance, d'impatience, de rage, de ce qu'elle n'était point à lui complètement comme s'ils n'eussent fait qu'un seul être.

    On en jasait5 dans le pays. On les disait promis l'un à l'autre. Il lui avait demandé, d'ailleurs, si elle voulait être sa femme, et  elle avait répondu : " Oui". Ils attendaient une occasion pour en parler à leurs parents.

                                                                                                    Guy de Maupassant. Les contes de la Bécasse. 1883.

 

1. Nom de la ferme de Martine. 2. Pensant toujous à elle. 3.  Respirant difficilement. 4.  Décidé. 5. Bavardait

Compréhension.

 

1. Décrivez à partir d’indices du texte l’évolution du sentiment amoureux chez Benoist. ( Voir dans les paragraphes 1, 2 et 4 )    

2. Cet amour de Benoist pour Martine est comparable à une maladie : Qu’est – ce qui le prouve dans le texte ? ( Voir paragraphes 2 et 3 )                                                                                                                                             

3. Relevez, nommez deux procédés d’écriture employés par le narrateur dans sa description du sentiment amoureux. Expliquez ce qu’il veut dire à chaque fois. ( Voir paragraphe 4 surtout )                                                                   

 

Corrigé.   

Compréhension.

1.   Il y a évolution du sentiment amoureux chez Benoist : D'abord, l'image de Martine s'était fixée dans son esprit, il pensait trop à elle et son "souvenir s'agitait dans [son] esprit". Puis son inclination qui se traduisaait par le " désir de la revoir "devenait de l'attahement car " il s'en revint plus hanté encore qu'auparavant" lorsqu'il l'avait vue une autre fois devant sa ferme. Ensuite, il était devenu vraiment amoureux puisqu'  "il eut l'esprit plein d'elle". Enfin, c'était plus fort que lui, c'était l'amour fou : " Il se sentait porté, jeté vers elle ....Il aurait voulu l'étreindre, l'étrangler, la manger" ....

2. L'amour de Benoist pour Martine est présenté dans le texte comme une maladie, d'ailleurs elle lui dit : " Qu'est -ce qu'il faut alors pour te guérir de ça ?" Les manifestations pathologiques de son mal sont : " Il tressaillait ... Il ne mangeait plus, il avait chaque nuit des sueurs qui l'empêchaient de dormir" .....

3. Dans sa description du sentiment amoureux, le narrateur a employé les procédés de la gradation et de l'hyperbole lorsqu'il avait dit : "   Il aurait voulu l'étreindre, l'étrangler, la mager" pour nous montrer que la passion de Benoist devient de plus en plus forte jusqu'à atteindre des degrés extrêmes.

 

 

 J'ajoute l'essai juste pour ceux qui veulent s'exercer à rédiger des essais.

Essai.

   Albert Camus a dit « Il y a du malheur à ne point aimer ». Selon vous, la personne privée d’amour ( qui n’a pas connu l’amour) est – elle vraiment malheureuse comme l’affirme cet auteur ? Développez votre point de vue en vous appuyant sur des arguments et des exemples tirés de vos lectures ou de votre expérience personnelle.                                                                                                                 

 

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