La répétition. 

 

Répéter, c’est redire, donc employer plusieurs fois le même élément linguistique, mot, groupe, phrase. La répétition participe à la fonction phatique du langage : faciliter la perception du message. Naturelle à l’oral, elle peut, à l’écrit, devenir un écart de style.

 

Nature des répétitions :

 

Nécessité de la répétition. La fatigue, la distraction du lecteur nuisent à la réception de l’énoncé: La redondance linguistique permet de vaincre ces bruits” par ses processus de répétition implicite. Ainsi, dans la phrase «  ils partiront pour Nice le mardi 4 juillet. »  on détecte deux marques du pluriel au lieu d’une et une répétition sous-entendue: le calendrier indique le mardi pour le 4 juillet ! La répétition de mots ou d’unités plus longues participe, très normalement, à la redondance.

La répétition comme écart de style. La répétition peut être une faute ou une facilité. Elle peut être aussi un écart syntagmatique (écart de combinaison des éléments de l’énoncé). À ce titre, elle crée des connotations liées au contexte et aux intentions de l’auteur. Exemple: Dans ce portrait de l’instituteur, Péguy répète des mots en variant leur environnement syntaxique et leur morphologie.

Un long pantalon noir, mais,  je pense, avec un liseré violet. Le liseré n’est pas seulement la couleur des évêques, il est aussi la couleur de l’enseignement primaire. Un gilet noir. Une longue redingote noire bien droite, bien tombante, mais deux croisements de palmes violettes aux revers. Une casquette plate, noire,  mais un croisement de palmes violettes au-dessus du front. Ch. Péguy,  L’argent, Gallimard, 1913

Les écarts usuels de répétitions

L’anaphore. On répète des mots (lexèmes + morphèmes, ou mots-outils) en début de phrases ou de propositions successives.  La reprise est un cas particulier d’anaphore: on ne répète que des morphèmes.

L’épiphore. Répétition de mots en fin de phrases ou de propositions successives.

La symploque conjugue l’utilisation de l’anaphore et de l’épiphore.

L’anadiplose. On répète, au début d’une phrase ou d’une proposition, des mots qui terminent la phrase ou la proposition précédente.

Effets des répétitions, Toute répétition souligne et met en valeur. Elle permet aussi d’établir des parallélismes entre mots répétés. Autre conséquence: l’apparition d’un rythme. !

Situations d’emploi des répétitions

La langue familière, surtout à l’oral, use de répétitions. Au théâtre, où se retrouvent les conditions de l’oral, elles sont fréquentes, jusqu’au ressassement comique. En poésie, la répétition s’associe aux parallélismes. Dans la presse et la publicité, répéter est un moyen de se faire écouter et de séduire.

 

Fonctionnement des écarts de répétition

Anaphore

J’ai vu des déserts, j’ai vu des vallées riantes, j’ai vu des villes sans joie.

 

Epiphore :

Il aperçoit le veston de son ennemi, la tête glabre de son ennemi, le sourire mauvais de son ennemi.

 

Symploque :

Alors, c’est qu’ils n’ont pas su ? Il faut que  je me dise qu’ils n’ont pas su. Et il faut que je sache pourquoi ils n’ont pas su. Il faut que je questionne ceux que je peux  atteindre.

                                                           J. Romains, Les Hommes de bonne volonté

 

 

Anadiplose :

Chemin faisant, nous reverrons la petite auberge. La petite auberge, elle est toujours là.

 

Exercice :  Repérez les procédés de répétition et classez – les selon leurs effets.

CHANSON DES SARDINIÈRES

Vous vivrez malheureuses

et vous aurez beaucoup d’enfants  beaucoup d’enfants

qui vivront malheureux

et qui auront beaucoup d’enfants

qui vivront malheureux

et qui auront beaucoup d’enfants

beaucoup d’enfants

qui vivront malheureux

et qui auront beaucoup d’enfants

beaucoup d’enfants beaucoup d’enfants...

Tournez tournez

Petites filles

Tournez autour des fabriques

Bientôt vous serez dedans

tournez tournez

filles de pêcheurs

filles des paysans…                        J. Prévert, Spectacle . Gallimard 1949

 

 

Correction :

Les répétitions dans le texte de J. Prévert :

Analyse des répétitions : Prévert utilise systématiquement la symploque. En effet, le début des propositions successives est anaphorique (qui vivront répété 3 fois, qui auront répété 3 fois) et leur fin épiphorique (malheureux répété 3 fois, beaucoup d'enfants répété 8 fois). Au -delà de la symploque, les répétitions vont jusqu'au ressassement (ressasser  v. tr.  1. Revenir sans cesse en esprit sur. Ressasser de vieilles rancunes. 2. Répéter à satiété. Ressasser les mêmes histoires.

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 1999 ) Dans les vers 13 à 19, l'anaphore domine avec l'impératif tournez. Noter aussi la répétition de filles (3 fois).

 Les effets des répétitions : C'est un monde d'aliénation que vise Prévert: les sardinières sont réduites à un état de procréatrices et les excès démographiques ont pour effet la misère, répétée de génération en génération. La disposition en vers accroît les effets répétitifs jusqu'à une tragique ritournelle du malheur inéluctable.

 

LA RÉPÉTITION ET L'ANAPHORE

 

La répétition consiste à reprendre plusieurs fois un mot ou un groupe de mots à l’intérieur d’un énoncé assez bref (phrase, paragraphe, strophe, court poème).

·         Elle avait de gros os, un gros nez, un gros front, de gros yeux... (Balzac)

 

La répétition crée un effet d’insistance, d’obsession ou de monotonie.

L’anaphore consiste à répéter un mot ou un groupe de mots en tête de propositions, de phrases, de vers, d’hémistiches (demi-vers), ou de strophes. L’anaphore, fréquente en poésie, crée des effets rythmiques. Elle sert souvent à construire des énumérations binaires (par deux), ternaires (par trois), des parallélismes, ou des refrains.

·         Quand j’étais prisonnier On m’a volé ma femme

On m’a volé mon Ame... (B. Vian)

EXERCICES.

71. Soulignez les termes répétés. Indiquez s’il s’agit d d’une répétition simple (R ) ou d’une anaphore (A).

Exemple :  - Rien, rien n’avait d’importance, et je savais bien pourquoi... (Camus)        (R )

1.  Gardez de cette nuit, gardez belle nature Au moins le souvenir... (Lamartine)

2.  Vie, vie, vie, vie, vie, vie, vie, vie.

Mystérieuse présence... (Cendrars) 

3. Géronte : Cinq cents écus?

Scapin: Oui Géronte : Que diable allait-il faire dans cette galère?

Scapin: Vous avez raison. Mais hâtez-vous [...]

Géronte : Ah, maudite galère!

Scapin (à part) : Cette galère lui tient au cœur. (Molière)

 4. Avec un ciel si bas qu’un canal s’est perdu 

Avec un ciel si bas qu’il fait l’humilité Avec un ciel si gris qu’un canal s’est pendu... (J. Brel)

5. De l’or, de l’or. L’or est tout; et le reste, sans or, n’est rien. (Diderot) 

 

Correction :       1. gardez = (A) ; 2. vie = ® ; 3. galère = ® ; 4. avec un ciel si = (A) ; 5. l’or = ®

 

 

72. Même exercice.

1.  Ce qu’il faut de malheurs pour la moindre chanson Ce qu’il faut de sanglots pour payer un frisson Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare... (Aragon)

2.  Caravanes! -Caravanes venues le soir; caravanes

parties le matin; caravanes horriblement lasses, ivres de mirages, et maintenant désespérées! Caravanes! Que ne puis-je partir avec vous, caravanes! (Gide)

3.  C’était un Chat vivant comme un dévot ermite, Un Chat faisant la chattemite, Un saint homme de Chat, bien fourré, gros et gras... (La Fontaine)

4.  Intérieur bourgeois anglais avec des fauteuils anglais. Soirée anglaise. M. Smith, Anglais, dans son fauteuil et ses pantoufles anglais, fume sa pipe anglaise, et lit  un journal anglais, près d’un feu anglais. (Ionesco) 

 

Correction :     1. ce qu’il faut de = (A) ; 2. caravanes = ® ; 3. un chat = ® ; 4. anglais = ®

 

 

Autre exercice

73. Soulignez les anaphores.

 

Exemple : ... Sans rien voir, au dehors, sans entendre aucun bruit... (Hugo) 

 

1.

Je n’écris point d’amour, n’étant point amoureux

Je n’écris de beauté, n’ayant belle maîtresse,                                                                                                     Je n’écris de douceur, n’éprouvant que rudesse,

Je n’écris de plaisir, me trouvant douloureux. (Du Bellay)

2.

Que diras-tu, mon cœur, cœur autrefois flétri,                                                                                                  À la très belle, à la très bonne, à la très chère,                                                                                           Dont le regard divin t’a soudain refleuri? (Baudelaire)

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3.

Car elle me comprend, et mon cœur, transparent Pour elle seule, hélas! cesse d’être un problème Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,

Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant. (Verlaine)

Correction :  1. je n’écris   2. à la très    3. pour elle seule


 

 

 

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